20 ans après la canicule de 2003, quelles mesures ont été prises à Paris face aux très fortes chaleurs? (2024)

Paris Île-de-France

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À l'été 2003, une longue canicule s'installait en France provoquant la mort de près de 15.000 personnes. 20 ans plus tard, les villes et l'État ont tenté de s'adapter pour faire face à ce type de phénomènes.

Début septembre 2003, Jacques Chirac et Bertrand Delanoë sont présents l'un à côté de l'autre au cimetière de Thiais (Val-de-Marne). Le président de la République et le maire de Paris assistent à une cérémonie organisée par la ville, en hommage aux victimes oubliées de la canicule de l'été.

Ce jour-là, une cinquantaine de personnes, dont les corps n'ont pas été réclamés, sont enterrées dans ce cimetière francilien sous les yeux d'officiels et d'habitants.

Quelques semaines plus tôt, une canicule s'installait sur le territoire français avec une durée et une intensité exceptionnelles. Au cours de la première quinzaine d'août 2003, le seuil de 35°C est franchi pendant 10 jours selon Santé Publique France. Ces très fortes chaleurs sont accompagnées d'une pollution à l'ozone significative.

Le record de température minimale la plus élevée de l'histoire de Paris est battu les 11 et 12 août avec deux nuits à plus de 25,5°C. Pendant cette période, la France et sa capitale se transforment en fournaise. L'été 2003 devient alors le plus chaud dans l'Hexagone depuis plus de 50 ans, la fin du mois de juillet ayant déjà été marquée par la chaleur.

Un tiers des morts en Île-de-France

Au total, environ 14.800 personnes sont mortes des suites de cette canicule entre le 1er et le 20 août, selon un rapport de l'Inserm. Cela correspond à une hausse de 60% par rapport à la mortalité attendue à cette période. L'Île-de-France en particulier paie un lourd tribut à la canicule. Selon le même rapport, plus de 5000 décès sont enregistrés dans la région francilienne, soit un tiers des morts de la canicule en France.

"Les surmortalités les plus importantes ont été observées dans les régions Centre et Île-de-France avec un nombre de décès plus de deux fois plus élevé que la mortalité habituelle", note l'Inserm.

Selon l'Inserm, plus de 75% des décès liés à la canicule de 2003 ont concerné des personnes âgées de 75 ans et plus. "Les ratios de mortalité augmentent sensiblement avec l'âge au-delà de 65 ans, chez les hommes comme chez les femmes, pour atteindre des valeurs extrêmement élevées au-delà de 75 ans", précise-t-il. Une surmortalité forte est notamment notée au sein des hospices et des maisons de retraite.

Les Ehpad mieux préparés

En 2003, les Ehpad sans climatisation et sans dispositif d'adaptation spécifique, avaient souffert des fortes chaleurs. Désormais, les établissements sont mieux équipés pour permettre aux personnes âgées d'affronter au mieux ces périodes.

"La pire canicule de l'histoire de l'époque contemporaine de notre pays, c'était en 2003. Depuis, on a beaucoup appris", rassurait en juillet 2022, Olivier Véran à l'aube d'une nouvelle vague de chaleur.

"On sait réfrigérer des pièces dans les Ehpad, depuis il y a des recueils de toutes les personnes âgées isolées pour que la commune, pour que le CCAS (centre communal d'action sociale) les appelle", avait poursuivi le porte-parole du gouvernement à l'issue d'une visite dans un Ehpad des Hauts-de Seine.

"Chaque année il y a des renforts dédiés pour un suivi sur l'hydratation dans les Ehpad. Il y a des personnes qui viennent en plus l’été et une présence médicale continue", souligne de son côté, auprès de BFMTV.com, Véronique Levieux, adjointe à la maire de Paris chargée des Seniors et des solidarités entre les générations.

Verres connectés et salles rafraîchies

L'élue indique même que dans certains établissements parisiens, comme l'Ehpad Annie-Girardot, des dispositifs innovants de verres connectés ont été mis en place pour surveiller la quantité d'eau bue par les résidents.

Dans le même temps, à l'Ehpad Mon repos de Sartrouville, la salle à manger, l'étage et les couloirs de l'établissement sont aujourd'hui équipés de la climatisation, contrairement à 2003, rapporte France 3.

Véronique Levieux rappelle toutefois que toutes les pièces des structures pour personnes âgées ne sont pas climatisées, ce qui peut être s'avérer pénible surtout lorsque les bâtiments ne sont pas adaptés à ces fortes chaleurs.

"Il peut y avoir des chambres un peu trop exposées. Il y a des établissements qui peuvent encore avoir des difficultés et qui doivent faire des aménagements", souligne-t-elle.

Par ailleurs, les difficultés structurelles du milieu médical et hospitalier, avec un personnel et des moyens parfois insuffisants, peuvent encore peser lourd en période de chaleur extrême et toucher, en premier lieu, les personnes âgées qui restent le public le plus vulnérable.

"Chaque année, il y a encore en moyenne 3000 personnes, la plupart âgées, qui meurent de la chaleur en France. Sans le personnel et les moyens supplémentaires nécessaires, nous ne sommes pas en capacité de bien accompagner nos aînés au quotidien, et encore moins en situation de crise", indique auprès du Monde, Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA).

Un plan canicule national

De son côté, Météo-France s'est adaptée dès 2004 en intégrant la canicule dans les vigilances de Météo-France avec quatre couleurs selon le niveau de danger. Un plan canicule a également été mis en place par l'État. Ce dispositif de prévention et d'information comporte quatre niveaux de gravité, en lien avec les vigilances de Météo-France.

L'objectif est d'informer et de pouvoir prendre des mesures concrètes pour protéger les personnes les plus à risque. Le déploiement d'une cellule interministérielle de crise est notamment prévu lors de l'activation du niveau 4 du plan. La veille saisonnière du plan canicule entre automatiquement en vigueur le 1er juin et reste applicable jusqu'au 15 septembre, sauf conditions exceptionnelles.

En juin dernier, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a présenté un nouveau plan national de gestion des vagues de chaleur, comprenant notamment 15 actions immédiates. Figurent dans ce plan, pêle-mêle, la possibilité d'envoyer des SMS en cas de risques via le dispositif FR-Alert, la diffusion de messages de prévention, la mobilisation des jeunes du service national universel ou encore le recensement des îlots de fraîcheur et des fontaines publiques.

Le fichier REFLEX

Au niveau des villes, des mesures sont aussi prises depuis cette canicule de 2003 afin de mieux prévenir les dangers. "On est clairement préparés", assure l'adjointe à la maire de Paris chargée des Seniors.

La ville de Paris a notamment mis en place, dès 2004, un fichier appelé "Chalex" et désormais nommé "REFLEX" afin de recenser les habitants considérés comme les plus vulnérables.

Les Parisiens qui souhaitent s'inscrire sur ce fichier bénéficient ensuite d'un suivi particulier lors des fortes chaleurs. Des appels téléphoniques réguliers leur sont passés et des interventions sont même possibles en cas de besoin.

"Lorsqu'il y a un appel derrière il peut y avoir trois possibilités: une intervention sanitaire, une intervention sociale, et une dernière qui est de l'ordre de la convivialité. En cas de besoin avéré, on déclenche un accompagnement", détaille l'adjointe à la maire en charge des Seniors. Véronique Levieux souligne toutefois que très peu d'interventions d'urgence ont eu lieu chez des personnes inscrites au fichier REFLEX l'année dernière.

En juin 2023, un peu plus de 11.000 personnes étaient inscrites sur le fichier REFLEX, un nombre en hausse par rapport aux années précédentes. La ville travaille à faire connaître de plus en plus ce fichier via notamment le journal Paris Info Seniors.

Au contact des personnes âgées

D'autres mesures, adaptées aux niveaux de vigilance du plan canicule national, sont actuellement programmées par la municipalité parisienne.

La ville de Paris a même instauré un niveau de vigilance 2 dit "renforcé" qui lui est spécifique et qui est déclenché par la maire de Paris.

"Cela nous permet d’aller au contact des seniors avec des questionnaires pour identifier les personnes en grande fragilité”, explique Véronique Levieux qui rappelle aussi que la mairie travaille en collaboration avec des associations, les centres sociaux ou encore les mairies d'arrondissement.

"On a aussi un travail très fort avec les bailleurs sociaux qui sont de plus en plus sensibilisés dans l’accompagnement du public âgé et qui s'appuient notamment sur leurs gardiens d’immeuble”, précise-t-elle.

La municipalité parisienne veut également anticiper les phénomènes de canicule en renforçant son action de prévention grâce aux panneaux de communication ou encore en passant par les magazines municipaux. Elle tient aussi à être en contact avec les personnes les plus fragiles une large partie de l'année et pas seulement lors des périodes de canicule.

Lors du passage de la ville de Paris au niveau 3 du plan canicule, la mairie déclenche une cellule de crise canicule afin de coordonner les actions à instaurer. Lors de cette période, de nombreuses mesures sont instaurées à Paris: l'ouverture des parcs et jardins la nuit, le renforcement des maraudes, la mise à disposition de "salles rafraîchies" dans les mairies d'arrondissement ou encore l'installation de brumisateurs dans certains espaces verts.

Les îlots de fraîcheur de la capitale sont par ailleurs aujourd'hui recensés et cartographiés en libre accès sur le site de la ville afin de permettre à tous les habitants de les repérer le plus facilement possible.

Un nouveau plan de la ville de Paris

Alors que les rues parisiennes sont souvent étouffantes en période de très fortes chaleurs, la ville de Paris veut aujourd'hui poursuivre ses efforts pour rendre la ville plus habitable lors des périodes caniculaires à venir.

En juin dernier, elle a présenté son plan pour adapter la ville aux fortes chaleurs. L'objectif: transformer cette "ville radiateur" en ville "oasis". Plusieurs mesures concrètes ont été annoncées dans ce plan et sont en place à partir de cet été. Parmi elles, l'ajout de 40 nouvelles fontaines brumisantes et de 60 brumisateurs.

La municipalité veut renforcer le nombre d'îlots de fraîcheur en faisant construire des ombrières "là où on ne peut pas planter des arbres". Cette dernière veut aussi multiplier le nombre de "cours oasis" et poursuivre la végétalisation de la capitale. 800 nouveaux arbres ont été plantés dans les rues parisiennes entre novembre 2022 et avril 2023.

"Les arbres sont des climatiseurs naturels, la solution n°1 pour rafraîchir Paris", rappelle Dan Lert, adjoint à la mairie de Paris en charge de la transition écologique.

Enfin, dans ce nouveau plan, la maire de Paris ambitionne de repeindre en blanc un certain nombre de toits pour adapter les bâtiments aux fortes températures et diminuer le mercure ressenti.

"L'adaptation de l'habitat est encore un grand chantier, un travail au long cours (...) Il faut mieux adapter le logement à cette période de canicule. Bien souvent, les personnes âgées, souvent isolées, peuvent se retrouver dans des habitats pas adaptés”, reconnaît l'adjointe à la maire de Paris en charge des Seniors.

Une situation qui va se dégrader

À Paris et en Île-de-France, le chantier reste toutefois encore très important pour limiter les effets des phénomènes caniculaires. Ces dernières années, les vagues de chaleur se sont multipliées.

Le 25 juillet 2019, le thermomètre avait affiché un maximum de 42,6°C dans la capitale, soit la température la plus élevée jamais enregistrée à Paris. Par ailleurs, juin 2023 a été le mois de juin le plus chaud recensé dans la capitale.

Les températures devraient par ailleurs continuer à être de plus en plus importantes sous l'effet du réchauffement climatique. À l'horizon 2085, les prévisions du Giec laissent entrevoir plus de 34 jours de canicule par an à Paris -un total similaire à celui observé à Séville-, contre 22 en 2022.

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Depuis le début du 21e siècle, Paris a souffert et souffre toujours des effets de la canicule. Selon une étude de The Lancet Planet Health, publiée en avril 2023 et prenant en compte des données allant de 2000 à 2019, Paris est la grande ville européenne où le risque de mourir de chaud est le plus élevé.

Gauthier Hartmann

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